Travailler à domicile est devenu un enjeu incontournable des entreprises. Jusqu'à très récemment minoritaire en France, le travail à distance a connu une explosion du fait de la crise sanitaire de la Covid-19 de 2020. Cette dernière a marqué une véritable fracture : désormais, les salariés français en font une condition de leur vie professionnelle.
Tout le monde peut-il recourir au télétravail ? Quelles sont les limites (juridiques, techniques, psychologiques) au travail à distance ? Jobijoba fait le point sur la plus grande des problématiques laborales du moment.
Sommaire de l'article :
- Télétravail à domicile en France : un retard qui se comble
- Travailler à distance : la réglementation du télétravail
- L'emploi en télétravail : les exclus du télétravail à domicile
- Les avantages du télétravail
- Les inconvénients du télétravail
Télétravail à domicile en France : un retard qui se comble
Avant 2020 et la crise de la Covid-19, faire du télétravail n'allait pas de soi dans les entreprises françaises. Selon les sources, entre 8 et 17,7% des employés pouvait recourir ponctuellement au télétravail à domicile, un score qui nous plaçait en queue de peloton au sein des pays développés. En cause : une certaine méfiance des hiérarchies, qui aiment à avoir leurs exmployés sous les yeux. A titre de comparaison, le taux moyen de télétravail était de 20% au sein de l'Union européenne, et même de 30 à 35% dans les pays du nord.
La crise sanitaire de 2020 a donc accéléré des mutations déjà en germe dans la société française. Le recours au télétravail a augmenté de 91 % au cours des 10 dernières années et l'on estime qu'il augmentera encore de 30% lorsque la Génération Z (les digital natives) entrera pleinement dans la vie active.
Travailler à distance : la réglementation du télétravail
Le salarié peut refuser de télétravailler à domicile ; l'employeur, aussi... sous conditions.
L'employeur ne peut imposer à un salarié de travailler à distance. Ce dernier peut refuser sans avoir à se justifier et sans que des sanctions ne puissent être prises contre lui. L'employeur aussi peut refuser d'accorder le télétravail à un salarié le demandant. En revanche, son refus devra être motivé et les raisons, clairement explicités par écrit.
Le télétravail répond aussi au principe de réversibilité. Autrement dit, un salarié qui travaille à distance peut à tout moment demander à revenir au présentiel. Il est alors prioritaire sur les prochaines offres d'emploi sans télétravail de son employeur.
L'employeur est le garant des bonnes conditions de travail de ses salariés.
Théoriquement, il doit donc vérifier l'installation de ses salariés et leur fournir les équipements requis pour pratiquer le télétravail (matériel bureautique et informatique, logiciels, etc.) Ainsi, un salarié ne peut être tenu responsable d'une mauvaise connexion, d'un manque de matériel qui l'empêcherait de réaliser le travail désiré.
En contrepartie, le salarié ne peut pas télétravailler n'importe où mais indique à son employeur le lieu depuis lequel il travaille. Tout accident ou problème technique survenu ailleurs (par exemple : si le salarié décide de passer quelques jours à la campagne) ne relève pas de la responsabilité de l'employeur mais de celle du salarié. A l'inverse, un accident survenu sur le lieu convenu et pendant les heures ouvrées sera par principe considéré comme un accident du travail.
Le travailleur à distance est un salarié comme un autre.
Faire du télétravail ne change pas le statut du salarié. Autrement dit, celui-ci a le droit aux mêmes avantages qu'un salarié en présentiel : titres-restaurant, chèques-vacances... Surtout, le salaire en télétravail est strictement le même que le salaire d'un employé en présentiel sur un même poste.
Les droits essentiels du salarié doivent également être respectés lorsqu'il travaille à distance : accès à la formation, respect de la vie privée, droit à la déconnexion, santé et sécurité au travail, informations syndicales, contrat de travail...
En contrepartie, le salarié en télétravail est soumis aux mêmes règles que les autres, notamment sur les horaires de travail. En effet, ce n'est pas parce qu'il n'est pas sous le regard de son patron que l'employé fait ce qu'il désire ! Il doit au contraire être joignable aux heures convenues avec son employeur et exécuter ses tâches, sur lesquelles l'employeur conserve un droit de vérification*. En revanche, les horaires de travail valent dans les deux sens : l'employé n'a aucune obligation de répondre à des mails ou des appels en dehors de ses heures de travail (droit à la déconnexion).
La mise en place d’un accord collectif qui fixe les modalités de l’organisation du travail et de la protection du télétravailleur, prend la forme d’une charte fixant les plages horaires et quel jour par semaine verra le temps de travail modifié. Les circonstances exceptionnelles dues à la Covid-19 ont poussé la mise en œuvre des nouvelles modalités, l’arrangement des locaux sous validation du comité social pour garantir les mêmes droits à tous.
* Le contrôle de l'employeur sur l'exécution des tâches doit être proportionné et non-invasif. Certaines entreprises ont ainsi fait scandale en installant des logiciels espions sur l'ordinateur de leurs employés, ce que le Code du travail interdit formellement. Les moyens les plus simples pour vérifier la réalisation des missions restent encore des tableaux d'avancement et reportings réguliers !
L'emploi en télétravail : les exclus du télétravail à domicile
Le Code du travail ne liste pas les critères donnant droit ou, au contraire, empêchant le recours au télétravail. En théorie, donc, toutes les catégories professionnelles peuvent faire du télétravail.
La crise de la Covid-19 et du coronavirus de 2020 a souligné cependant une fracture entre les métiers dématérialisés et ceux exigeant une présence physique sur le lieu de travail. Ainsi, selon une enquête (1), 39% des actifs en emploi déclarent que leur métier actuel ne peut pas être exercé en télétravail. Ils sont également 25% à dire pourvoir faire du télétravail mais avec des difficultés.
Parmi les salariés ayant exercé en présentiel pendant la crise sanitaire, seuls 15% avancent un refus de leur employeur de recourir au travail à distance, contre 67% qui expliquent que leur profession ne se prête pas au télétravail à domicile. Parmi eux : le personnel soignant, les employés des commerces, les restaurateurs, en autres. En découlent de sérieuses difficultés pour les étudiants, puisque que job étudiant et télétravail ne font pas bon ménage (serveurs, livreurs, employés de caisse...).
Le salarié ne doit donc pas hésiter à se renseigner sur les possibilités de télétravail lors de son embauche ou dès l'entretien avec l'employeur.
Les avantages du télétravail
Si les avantages du télétravail à domicile sont évidents pour le salariés, ils sont également réels pour les entreprises, comme le constatent les employeurs qui y ont recours.
☺Travailler à distance booste le bien-être des salariés.
Les salariés sont les premiers à réclamer de travailler à distance. C'est là la preuve qu'ils y trouvent leur compte ! De fait, faire du télétravail permet de choisir son rythme. Au lieu de cumuler toutes ses tâches domestiques en fin de journée (et ainsi vivre une deuxième journée de travail), le salarié peut s'octroyer des pauses pour faire une lessive, faire quelques courses... Il en retire donc la sensation de mieux équilibrer ses vies professionnelle et privée. Le rapport au travail change. Après l'expérience du Covid, 58% des Français déclairaient avoir changé de regard sur leur emploi après avoir expérimenté le télétravail [enquête IFOP].
☺Travailler à distance provoque un gain de productivité.
Que de temps passé devant la machine à café, à discuter séries télé ou politique ! En moyenne, les salariés de bureau passent 66 minutes par jour à parler de tout, sauf de travail. Travailler à distance limite bien entendu ces petites parenthèses : 29 minutes par jour seulement sont dédiés aux conversations anodines en travail à distance. Résultat, 85% des entreprises ayant recours au télétravail à domicile constatent une hausse de leur productivité. D'autant plus que les spécialistes pointent un levier un peu plus psychologique : les salariés en télétravail ont tendance à faire plus d'heures pour prouver à leur hiérarchie qu'ils ne profitent pas de la situation. Attention, donc, à la surchage potentielle !
Les inconvénients du télétravail
L'emploi en télétravail doit être dosé, c'est les salariés qui le disent. De plus, il présente encore des lacunes juridiques, que le Code du travail doit se fixer de clarifier au cours des prochaines années.
☹ Travailler à distance suppose une bonne installation.
Vous être au milieu d'une réunion « en visio », et voici que l'image se fige, le son se fait robotique : vous avez perdu la connexion. Le télétravail à domicile a mis en lumière une grande disparité d'accès à internet selon les régions, voire selon les quartiers d'une même ville. Plus encore, travailler à distance suppose de la part du salarié une certaine organisation de son espace : ordinateur puissant, grand bureau, chaise confortable... Tout ce que le Code du travail enjoint d'ordinaire les entreprises à founir à leurs employés. La responsabilité de l'employeur à assurer de bonnes conditions de travail s'étend-elle au domicile de ses salariés ? Nous sommes-là dans une zone de flou de la réglementation du télétravail.
☹ Travailler à distance provoque un certain isolement.
Selon une enquête de 2020 (1), les salariés déclarent vivre comme un poids le télétravail intégral. Pire : ils sont 40% à déclarer souffrir d' « isolement » et 30% à « mal vivre le télétravail au quotidien ». Près de 6 salariés sur 10 souhaitent se rendre sur leur lieu de travail au moins une fois par semaine. La preuve que le travail est également une expérience humaine, et que les échanges avec les collègues participent pleinement de la satisfaction tirée du travail.
Face à l'augmentation de cas de détresse en télétravail, le gouvernement a mis en place un service téléphone gratuit animé par des psychologues : 0 800 13 00 00. Accessible 24h/24 7 jours/7. |
(1) enquête réalisée par Harris Interactive du 4 au 8 novembre 2020
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