Comprendre comment et à quelle fréquence des lignées asexuées émergent au sein des espèces sexuées est essentiel pour résoudre l'énigme évolutive de la reproduction sexuée. Les transitions sexe-asexe sont mal comprises, tant sur le plan empirique que théorique. Les objectifs de ce projet de doctorat sont de développer une théorie pour ces transitions, de développer et d'appliquer de nouvelles méthodes pour analyser les génomes des asexués, et d'étudier ces transitions dans le cas d’étude d’Artemia parthenogenetica.
L'asexualité peut se propager « par transmission » de lignées asexuées existantes à de nouvelles lignées par divers types de croisements. Il peut s’agir d’évènements de « sexe cryptique » ou d’une transmission par des mâles qui sont rarement produits par certaines lignées asexuées. Par conséquent, les lignées asexuées existantes sont souvent le résultat d'hybridations et de rétrocroisements répétés et imbriqués. Elles peuvent présenter des variations de ploïdie et elles peuvent continuer à recombiner. En outre, ces lignées peuvent continuer à évoluer après leur apparition, en faisant intervenir des mécanismes similaires à ceux impliqués dans l'évolution des chromosomes sexuels, en particulier la dégénérescence, la suppression de la recombinaison et la compensation de dosage.
D'un point de vue empirique, les méthodes phylogénétiques classiques et les mesures standard de distance génétique ne sont pas adaptées à l'analyse d’histoires évolutives impliquant des hybridations répétées et imbriquées. Dans ce projet, nous visons à surmonter ces difficultés en développant de nouvelles approches pour étudier l'origine de différentes lignées asexuées d'Artemia (petits crustacés qui vivent dans des environnements hypersalins). Nous étudierons le génomes d'un grand nombre de lignées asexuées, comprenant tous les polyploïdes connus et leurs parents sexuels potentiels. Des analyses préliminaires suggèrent que toutes les Artémies asexuées, diploïdes comme polyploïdes, sont le résultat d'événements d'hybridation successifs et imbriqués, impliquant des rétrocroisements avec différentes espèces sexuées (1). De plus toutes les Artémies asexuées auraient le même ancêtre commun et porteraient donc probablement le(s) même(s) gène(s) d'asexualité. Cependant, nous ne savons rien ou presque de l'impact de l'hybridation sur l'évolution des génomes de ces lignées et les scénarios possibles restent largement hypothétiques.
D'un point de vue théorique, des modèles multilocus pour l'évolution du génome asexué, avec et sans l'évolution des régulateurs de l'expression des gènes, seront utilisés pour étudier ces transitions sexe-asexe. La fitness initiale des néo-asexués et leur évolution ultérieure (dégénérescence, suppression de la recombinaison, compensation de dosage) seront particulièrement étudiés. Ces modèles théoriques s'appuieront sur le développement récent de simulations à l'échelle chromosomique mises au point pour l'étude des chromosomes sexuels (2-5).
References:
1. N. O. Rode, R. Jabbour-Zahab, L. Boyer, É. Flaven, F. Hontoria, G. V. Stappen, F. Dufresne, C. Haag, T. Lenormand, The origin of asexual brine shrimps. The American Naturalist 200, E52–E76 (2022).
2. T. Lenormand, F. Fyon, E. Sun, D. Roze, Sex chromosome degeneration by regulatory evolution. Current Biology 30, 3001-3006.e5 (2020).
3. T. Lenormand, D. Roze, Y recombination arrest and degeneration in the absence of sexual dimorphism. Science 375, 663–666 (2022).
4. T. Lenormand, D. Roze, Can mechanistic constraints on recombination reestablishment explain the long-term maintenance of degenerate sex chromosomes? Peer Community Journal 4, e17 (2024).
5. F. Fyon, T. Lenormand, Cis-regulator runaway and divergence in asexuals. Evolution 72, 426–439 (2018).
Contexte de travail
La personne recrutée recevra une formation complète en génomique évolutive de pointe et en génétique théorique des populations. Elle passera la plupart de son temps dans le groupe d'écologie génétique et évolutive (GEE) du Centre d'écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE), un grand institut de recherche axé sur l'écologie et l'évolution situé à Montpellier, dans le sud de la France, avec d'éventuelles visites de partenaires du projet ailleurs en France. Montpellier est une ville étudiante animée avec un beau centre historique, située à environ 10 km de la mer Méditerranée. Ce doctorat fait partie d'un projet ERC avancé ('RegEvol', Thomas Lenormand), qui aborde de nouvelles idées et prédictions théoriques sur le rôle de l'évolution des régulateurs de l’expression génétique pour plusieurs sujets fondamentaux importants en biologie évolutive (chromosomes sexuels, maintien du sexe, complexité des réseaux de gènes, etc.). La personne recrutée rejoindra l'équipe travaillant sur ce projet, comprenant Aline Muyle, Christoph Haag, Denis Roze, Sylvain Glémin, et Thomas Lenormand. Christoph Haag et Thomas Lenormand superviseront la thèse.
Profil souhaité:
(1) Enthousiasme et véritable curiosité pour la génétique évolutive, la génomique et la biologie évolutive.
(2) Diplôme de master dans le domaine de la biologie évolutive. Une expérience de la génomique et/ou de la génétique des populations et/ou de la théorie de l'évolution est souhaitable.
(3) Solides compétences quantitatives. Une expérience de la programmation ou de la bioinformatique est souhaitable.
(4) Solides compétences en communication orale et écrite en anglais (la langue de travail pour les sciences au CEFE est l'anglais).
Contraintes et risques
Il n'y a pas de risque particulier associé à ce poste
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